Vous avez du courrier

Je suis assise sur les marches de mon immeuble, au soleil.
Je ne regarde passer personne,
je n’attends même pas Godot, mais j’observe les petites herbes qui défient le béton
et respirent goulûment l’air redevenu respirable et sain !
Je suis là, patiemment, profitant des rayons du soleil comme autant de vitamine D.
Je ne peux plus m’énerver contre les conducteurs qui laissaient tourner leur moteur à l’arrêt pendant des heures,
leurs incivilités crasses avaient le don de m’exaspérer à un point !
Depuis trois semaines, il n’y a plus de voiture qui démarre dans ma rue, elles aussi ont été abandonnées pour le plus grand plaisir de mes poumons et de mes oreilles.
J’aperçois le facteur au loin. Ses visites se sont raréfiées.
Lorsqu’il passe à vélo, en tendant sa main gantée de plastique, j’attrape l’enveloppe et dis merci à cet humain.
Tiens, cela faisait longtemps que je n’avais pas parlé à une personne en chair et en os.
Ce mot est de vous.
J’aime recevoir de vos nouvelles manuscrites.
Le plaisir de décacheter l’enveloppe, sortir la lettre, la déplier, en respirer l’odeur et se souvenir du temps que les moins de vingt ne veulent plus connaître.
Les joies de la correspondance et de prendre le temps d’écrire une lettre, de réfléchir au message que l’on veut transmettre,
de mettre un timbre et d’aller la poster dans une jolie boîte aux lettres jaunes
(évidemment, en ce moment elles sont fermées, mais heureusement cela ne va pas durer).

Il aura fallu un virus tueur pour que certaines personnes se manifestent.
Une pandémie planétaire pour que d’autres prennent le temps de s’asseoir au soleil, tout simplement, pour profiter du moment et de regarder à l’intérieur d’elles-mêmes.
Et puis se dire aussi que cette pause est plus que bienvenue pour notre planète et Mère nourricière, elle est nécessaire !
Pourquoi devons-nous toujours attendre d’être au bord de l’abîme et n’avoir plus le choix pour réagir, alors qu’il n’est pas si compliqué de faire des efforts un peu tous les jours.
Être moins égoïstes et plus civils, il en va de la survie de notre espèce.
J’espère surtout qu’après cette période étrange et dramatique, nous ne nous précipiterons pas tous en même temps pour FAIRE des choses.
Acheter tout et n’importe quoi. Faire venir des objets inutiles de pays lointains, fabriqués dans des conditions catastrophiques pour les employés et la planète et voyager en masse partout dans le monde.

La nature a encore besoin de se reposer !
Moins FAIRE pour ÊTRE plus.

Oui, j’aime parcourir cette lettre, ligne après ligne. Je suis rassurée, vous allez bien.

Non, j’déconne ! C’est un putain de prospectus publicitaire! Elles ne perdent pas le nord, les multinationales avec leur junk mail !
De nos jours, plus personne n’écrit, et c’est bien dommage !

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