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taureau dans une arène pendant une corrida

Furia

Celui qui se trouve face à moi ressemble plus à un enfant qu’à un adulte. La foule applaudit cet homme élevé dans l’idée qu’il est noble de devenir un assassin.

Si jeune et déjà cruel ! Il est revêtu d’un costume tellement doré, qu’il m’éblouit dans le soleil ardent de ce mois de septembre funeste.

Pourquoi un tel destin ? Alors que j’étais bien tranquille dans mon champ à brouter l’herbe légèrement salée de ma Camargue natale. Les flamants roses, au loin, me ravissaient de leur élégante légèreté.

J’ai été arraché à mon habitat naturel, puis installé sans ménagement dans une boîte trop petite pour pouvoir me mouvoir à ma guise. J’ai détesté ce confinement forcé !

Et encore plus lorsqu’un homme vêtu de noir m’a scié le bout des cornes. J’en ai perdu tous mes repères.

Je tangue, j’ai envie de vomir, mais surtout de m’enfuir. Je ne peux pas, car je suis entravé.

Dans la fraîcheur des Arènes, J’entends le cœur de la foule. Les spectateurs battant des pieds sur les gradins. Ils m’attendent joyeusement, Car c’est une fête pour eux.

Mais pour ma part, je n’ai jamais dit oui. Je n’ai jamais consenti à cette danse avec la mort, dont je n’ai choisi ni le tempo ni le partenaire !

Les notables, qui aiment à se délecter de mes souffrances et de mon humiliation, accueillent l’homme en habit de lumière avec déférence. Pourquoi l’homme à deux pattes est-il aussi cruel ?

Je rêve d’anéantir ce petit être méprisant et hautain, qui agite sans cesse un ridicule bout de tissu devant mes yeux. Mais je ne peux pas combattre à armes égales, personne ne m’a jamais laissé une seule chance.

Je suis perturbé par un moustique aux dimensions disproportionnées, qui tourne autour de nous au-dessus de l’arène. Il me surveille pour que je ne puisse pas lui échapper.

Dehors, des militants anti-corrida scandent « à bas la corrida » ! Il y a plus d’uniformes que de militants ! L’intention est louable, mais il est trop tard pour moi. Je vais finir dans l’assiette de ces gens bizarres que l’on appelle des aficionados. Ceux qui, assis sur leur cul, prennent du plaisir à me voir souffrir !

L’humain est si souvent inhumain. Et c’est moi que l’on traite de bête !

La douleur soudaine me coupe le souffle. Mon cou est brisé sous l’impact d’une lame profonde et tranchante. Je vais chercher au fond de moi l’instinct de survie, et je m’élance avec l’énergie du désespoir !

L’homme doré veut ma peau et plus précisément mes oreilles et ma queue ! En manque-t-il à ce point là ?

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