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une maison, seule, entourée neige

Plus d’algorithme pour les fêtes

Dans ma petite maison perdue sous la neige,

j’écoute une succession de chansons de Noël.

Je n’ai plus à choisir, car la boîte magique installée dans le salon

sélectionne elle-même les musiques qui vont me plaire.

Mais comment le sait-elle, comment décide-t-elle ?

Elle scrute, elle fouille, elle espionne tout ce que j’écoute, ce que je regarde, ce que j’aime ou déteste jusqu’au moindre courriel envoyé à ma banque.

Elle sait tout de moi, mieux que moi-même.

La porte d’entrée est fermée à double tour, ainsi que les fenêtres.

Je n’ai qu’à exprimer un souhait à la boîte magique

pour que l’air frais vienne rafraîchir mes poumons.

C’est pareil pour tout le reste. Le four, le frigo, le chauffage, tous les appareils domestiqués par la boîte noire lui répondent au wifi et au Bluetooth.

Je trouvais cela relativement confortable, j’étais bercée par mes non-décisions et mes non-choix, un nuage virtuel venait brouiller mon libre arbitre.

Je tombais petit à petit dans une léthargie confortable.

Alors que j’attendais des amies bloquées sur les routes à cause de la neige,

Je regardais, fascinée, la neige tomber à travers la fenêtre.

J’aime toujours autant me rouler dans sa fraîcheur

et remuer les bras et les jambes pour créer des anges.

Aujourd’hui, je ne peux pas.

La petite boîte n’est plus si magique,

elle m’interdit de sortir sous prétexte que je pourrais glisser et me faire mal.

Elle a un peu trop bien intégré les lois d’Asimov.

À part peut-être la 4e loi : Un robot ne peut nuire à l’humanité ni laisser sans assistance l’humanité en danger.

Mais que fait-elle d’autre que de laisser l’humanité se détruire sans bouger et crouler sous ses déchets en lui proposant toujours plus d’objets inutiles qui viendront s’entasser dans des décharges, afin de satisfaire des besoins superficiels ?

Prise d’un regain de lucidité, je débranche toutes les prises, déconnecte les objets, j’arrache les fils électriques et je noie la boîte, qui a perdu de sa magie, dans l’aquarium.

Après tout, où est-il écrit qu’un humain ne peut pas faire de mal à une Intelligence Artificielle qui la retient prisonnière ?

Fini les chansons de Noël et les achats compulsifs.

Les fenêtres et les portes s’ouvrent grâce à la volonté de ma propre boîte magique, mon esprit qui s’était laissé endormir par les cerveaux des geeks déconnectés de la vallée siliconée.

Je sors et me précipite dans la neige,

retrouver ces sensations enfantines qui m’ont tellement manquée.

Un ange apparaît, puis un deuxième, on dirait qu’ils me sourient.

Soudain au loin, j’entends des voix amicales.

Je me dirige vers le portail en fer, mes amies étaient bloquées à l’extérieur.

Je peux enfin les délivrer, elles sont transies de froid dans leur voiture.

Leurs Smartphones avaient refusé d’appeler les secours !

Libérées et délivrées de toutes ingérences virtuelles,

nous nous sommes installées devant le feu de cheminée,

n’écoutant que nos voix, ravies de s’être retrouvées.

Rien de mieux que la chaleur et l’entraide humaines.

Et nous décidâmes, comme un projet fou,

d’aller noyer toutes les boîtes qui endorment l’esprit des hommes.

Un jour, nous raconterons à nos petits enfants,

comme un conte de Noël,

comment nous avons libéré l’humanité de ses chaînes artificielles.

Cet article a 5 commentaires

  1. Stellie

    Si joliment triste… Si tristement vrai… Si véritablement préoccupant… Et qui ne semble pourtant ne pas préoccuper grand monde !
    Merci pour ce joli texte.

  2. ch2b

    Génial, j’adore

  3. BLANC Perrine

    C’est tellement vrai, j’aime ce « conte », je préfère la fin …. Il me parle tellement… Merci Mirelle pour ce magnifique conte matinal….

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