L’autre jour, je suis allée voir un microkinésithérapeuthe [1]
C’est toujours étrange lorsqu’un parfait inconnu vous parle de vous sans vous connaître et arrive parfaitement à cerner ce qui cloche, sans vous avoir posé une seule question. Il sait juste que je suis romancière.
À un moment donné, il me dit : « est-ce que je vous enlève toutes vos névroses ou vous voulez en garder quelques unes pour l’écriture ? ».
Pendant cinq secondes, je me suis posé toutes les questions possibles et imaginables, mais surtout celle-là : « est-il sérieux ? Peut-il vraiment enlever toutes mes névroses — parce qu’il y a du boulot — ou me niaise-t-il ? ». Pendant cinq longues secondes qui se sont étirés dans un parallèle de temps qui a semblé durer trois heures (un peu comme les secondes RATP lorsque tu attends un bus et qu’il ne vient jamais) je me suis questionnée : « que ferais-je sans névrose ? Est-ce que je pourrais encore écrire ? Est-ce que je souffrirais ? Serais-je toujours si sensible à tout ce qui m’entoure et parfois si soupe au lait ? Sans tous ces traumas, comment écrire ? Et si c’est juste du plaisir est-ce permis par les lois karmiques ou autre instance supérieure et invisible ?»
Les cinq secondes sont redevenues des secondes normales. Je commence à rire en me rendant compte que le praticien plaisante. Il m’informe qu’il a emprunté la blague à l’excellente Blanche Gardin. Je ne sais pas comment répondre à cette question. Une vie sans névroses était-elle possible ou serait-elle aussi plate que la terre pour un Platiste [2]?
En attendant je vais les garder bien au chaud sous ma boîte crânienne, ma boîte à miracle qui encore une fois, me sauve de la page blanche.