Bien avant l’aurore

Bien avant l’aurore et la fin du couvre-feu (puisque nous vivons désormais dans un monde orwellien), c’est encore un rêve alambiqué qui me réveille en sursaut. Je voyageais avec des amies dans un van vide où personne n’avait pensé à mettre des sièges. Nous étions brinquebalées et devions nous tenir aux sangles pour ne pas tomber ! À notre arrivée, nous n’avions ni sac de couchage ni endroit pour dormir. Nous étions au bord de la mer, les vagues se déversaient contre les vitres d’une magnifique demeure où des gens dormaient sur des chaises longues et nous invitaient à faire de même. Parmi les invités, l’acteur Christian Bale se tenait dans un coin et me fixait de ses yeux sombres. Il voulait me faire des trucs bizarres, mais la décence m’empêche d’en dire plus.  

Après ce réveil en sursaut, je me pose la question suivante : « est-ce que je retourne dans mes rêves bizarres et torrides et profite ainsi de la chaleur douillette de ma couette pour quelques minutes supplémentaires ou est-ce que j’ose braver les interdits ? (il n’est pas encore 6 h du matin, c’est toujours le couvre-feu!) pour sortir dans les rues vides qui se donnent ?     Ni une ni deux, je décide d’être rebelle ! J’enfile mes chaussures de marche et m’habille. Je prends une gourde remplie d’eau et je file dans la nuit qui disparaîtra dans moins d’une heure.     Dans les rues, je ne croise que des quidams qui, une valise à la main, rejoignent la gare, d’irréductibles joggeurs et des promeneurs de chien, absents et englués dans leurs habitudes. Les gens ne se regardent plus ou si peu. J’essaie de dire bonjour à tous ceux que je croise, ils sont d’abord étonnés, mais finissent par me répondre, un semblant de lien social apparaît.  Je continue ma déambulation dans de petites rues que je prends plaisir à découvrir ce matin. Je pose mon regard sur de jolies maisons avec des glycines en fleurs. Je m’attarde sur des impasses d’où je devine des cours fleuries d’arbustes aux fleurs jaunes dont je ne connais pas le nom et qui sont juste magnifiques.  La vie derrière ses murs se joue sans masque ni gestes barrières et les libertés ne sont plus bafouées. 

Je continue mon chemin et croise des maisons abandonnées à la poésie urbaine. Des immeubles qui ont mal vieilli, des complexes modernes au luxe flamboyant, ombragés par de magnifiques pins parasols ou encore des petites villas familiales entourées d’arbres de Judée aux 50 nuances de violets.   Il y a aussi des travaux et des panneaux signalétiques oubliés. Mais où sont les habitants alors que le soleil scintille sur la cime des arbres ? Peut-être dorment-ils encore ou sont-ils déjà derrière leur ordinateur pour leur télétravail ?   Qu’importe, j’aime la ville déserte, mais plus nous avançons dans cette pandémie, plus je m’imagine des places où les gens se réuniraient pour danser, chanter et rire, ils boiraient des cafés ou des cocktails aux noms exotiques à la terrasse des cafés. Mes envies sont moins extravagantes que mes rêves, je désire juste une vie simple et libre. 

arbre de Judée

Cet article a 5 commentaires

  1. Céline Huber-de Bernardo

    Un beau texte qui fait du bien.J’aime

  2. Céline Huber-de Bernardo

    J’aime. C’est un très beau texte.

  3. Joli texte évocateur de la poésie des villes au petit matin, quand tout est encore neuf

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